Aaron soupira, n'écoutant déjà plus ses associés. Il voyait déjà le port d'Erisan par la fenêtre, et s'en voulait terriblement d'avoir laissé sa famille derrière, surtout après ce que Pia avait crié. Mais il devait le faire ! Il devait pouvoir offrir à ses enfants autre chose qu'un appartement miteux, et là, il reprenait juste sa maison !
Aaron regardait toujours la carte, ne remarquant pas que ni Caleb, ni Jared, ne l'écoutait.
- Aussi, on pourrait bêtement enfermer les pirates dans leur bar, le soir... On pourra passer simplement. Après tout... Ils ne font que boire !
Il n'avait pas tellement changé : il était toujours chétif, les cheveux en bataille, et curieux de tout. Caleb, lui, il semblait encore plus redoutable, et on se doutait bien qu'il était le champion de Veran rien qu'à sa stature et à ses cicatrices. Ce dernier se leva et fronça les sourcils.
- On devrait bêtement leur taper dessus...
Aaron soupira, regardant la brute épaisse.
- On n'a pas de résistant si... Résistant. On a besoin d'un plan.
Jared haussa les épaules et sortit.
- Je vais voir l'état des lieux, on verra ensuite !

Jarl fit la moue.
- Mais je te soutiens aussi enfin !

Berrit fit non de la tête.
- Je sais pas... Je veux jouer avec Iago !!

Charline hocha lentement la tête.
-Sincèrement, tu penses que les résistants sont une menace ?

Konrad haussa les épaules.
-Will est allé ranger sa valise. Mais les autres, j'en sais rien...
Puis il sourit à Berrit.
-Je te promets qu'on ira jouer avec lui, plus tard, d'accord ?

Dagmar tira la langue.
-Dis, Knut, nous on s'en va.
Il tourna les talons mais Ander le retint par le bras.
-Pas si vite ! Tant qu'on ne saura pas où tout le monde est parti, personne ne bouge.

Berrit fit la moue.
- Mais Pia elle a disparu...
Jarl soupira, tout en soulevant encore une fois sa valise.
- On va la retrouver, t'en fais pas. Dagmar va la chercher ! Pas vrai ?
Il le regarda du coin de l'oeil. Cela l'empêcherait de partir !

Charline esquissa un sourire.
-Bon, je crois qu'il est temps que j'aille préparer le dîner.
Elle se leva et se dirigea vers la cuisine en silence.

Ander hocha la tête puis saisit Dagmar, qui s'empressait de filer.
-T'as entendu Knut ?
-Mais, laisse-moi ! Jouer aux cartes c'est pas faire n'importe quoi !
Konrad poussa un long soupir puis souleva Berrit avant de la porter.
-Elle va revenir, t'as entendu Jarl ? Et puis, Knut est parti la chercher.

Charline poussa un léger soupir.
-Je m'ennuie ici. Ce genre d'histoires éveille un peu ma curiosité.
Elle l'avait dit d'un ton plat, un ton qu'elle avait peu à peu ancré à sa voix. Ses années avec Michaël ne lui avaient pas vraiment fait de bien, et ses filles n'avaient rien arrangé, au contraire.
Sophie rentra dans la maison en sautillant gaiement. Sa soeur lui avait échappé ; qu'importe, on s'ennuyait souvent avec elle.

Charline se retint de répliquer qu'avant leur rencontre, elle était même une grande curieuse, toujours en mouvement et s'agitant pour n'importe quelle raison, alors oui, elle s'ennuyait à mourir. Puis il offrit un cadeau à Sophie ; alors elle se contenta de pousser un soupir et de commencer à éplucher quelques légumes.
-Un cadeau ? Père, tu es trop aimable !
Sophie lui un large sourire, qu'elle avait appris en croisant des femmes de la haute-société.

Sophie ouvrit grand les yeux, et se retint de pousser une exclamation ; ce n'était digne de son rang.
-Oh, papa, elle est magnifique !
Elle sauta au cou de son père, songeant dans un sourire malicieux à Emma. Certes, il avait retardé sa crise de jalousie ; mais dès qu'elle reviendrait, elle aussi écarquillerait les yeux. Pas pour la même raison, cependant.
-Je l'adore, reprit-elle en se tournant vers sa nouvelle poupée. Je vais l'appeler... Sophia !

Sophie se mit à admirer sa poupée, écoutant d'une oreille la remarque de son père. Un nouveau rictus se dessina sur ses lèvres : être la chouchoute de son père, lui qui avait une place si importante dans la société, quelle honneur !
Charline, sans cesser d'éplucher ses légumes, répondit d'une voix neutre :
-A ce propos, Sophie, où est passée Emma ? Je t'avais demandé de veiller sur elle.
Sophie, qui jouait avec Sophia, répliqua innocemment :
-Je ne sais pas, elle n'a pas voulu de moi... Elle me rejette souvent sans raison...

Charline se rinça les mains.
-Je n'aime pas la savoir seule. Tu sais bien qu'elle fait souvent des crises...
Elle poussa un soupir. Elle détestait que Michaël témoigne si peu d'intérêt pour l'aînée, et tant pour la cadette...

Charline arqua un sourcil, sceptique, avant de reprendre la cuisine.
-En attendant, elle est sous notre responsabilité...
Puis elle fit bouillir les légumes.
-On ne va pas tarder à manger, j'espère qu'elle rentrera bientôt.

Sophie releva la tête.
-Tous tes cadeaux me font tellement plaisir papa, n'importe lequel m'ira !
Charline se demandait comment sa fille pouvait être si hypocrite à son âge. Elle-même n'avait jamais atteint ce niveau avec ses parents...

Charline la regarda avec mépris, avant de se mettre à se haïr elle-même. Était-ce normal qu'elle ne ressente que du dégoût pour sa fille ? Elle devrait avoir honte !
Sophie se sentit terriblement fière d'elle. Elle se sentait tellement puissante, à seulement onze ans !